Le management de transition et l’importance de la « long life education »
Le marché du management de transition a le vent en poupe en France. Une étude globale, réalisée par France Transition et publiée en décembre 2020, montre qu’il a enregistré une forte croissance, de l’ordre de 13,6% par an en moyenne depuis 2016, et a atteint un chiffre d’affaires de 440 millions d’euros en 2019. Au cours de cette période, le nombre d’opérateurs structurés est passé de 60 à 90 *.
Bien que l’activité ait diminué en 2020, en raison de la crise sanitaire due à la Covid-19, le marché reste prometteur. Un grand nombre d’entreprises se trouvent confrontées à de nouveaux défis (organisation du travail, plan de sauvegarde pour l’emploi, recherche de nouveaux débouchés, etc.) et sont appelées à mener des projets structurels de transformation.
Fort de cette demande grandissante, le management de transition offre aujourd’hui à des dirigeants expérimentés, qui ont eu l’opportunité de conduire des groupes importants, la possibilité de mettre leurs connaissances opérationnelles et stratégiques au service de situations souvent complexes, mais toujours passionnantes à vivre, très riches en rencontres et en échanges.
Au cœur de l’entreprise
En proie à des bouleversements à forts enjeux stratégiques et humains, les entreprises s’adressent donc, de plus en plus, à des compétences externes de très haut niveau pour une période donnée, à des managers de transition très expérimentés, qualifiés le plus souvent, à juste titre, de manager de transformation.
Elles recourent à eux pour des causes différentes : soit parce que le dirigeant (ou l’un de ses dirigeants) est subitement indisponible. In bonis, l’entreprise doit poursuivre ses activités et s’assurer de la marche opérationnelle. Elle fait appel à un manager de transition pour une durée déterminée, jusqu’au retour du dirigeant.
Soit parce que l’entreprise traverse une crise grave et qu’elle a impérativement besoin d’un pilote spécialiste de la transformation et du retournement. Dans ce cas, l’intervention du manager de transition s’apparente davantage au capitaine d’un super tanker qui s’approche d’un port et doit faire appel, pour y entrer, au pilote de la capitainerie. Celui-ci monte à bord, prend les commandes, car la manœuvre pour naviguer dans le port est trop délicate et trop spécifique pour être effectuée par le commandant de bord.
Le manager de transition opère à la manière de ce pilote aguerri. Il va diriger l’entreprise pendant un certain temps, parce qu’elle ne dispose pas des compétences requises pour franchir une passe difficile, ou bien parce qu’elle est en détresse. Devant intervenir dans l’urgence, il va établir un diagnostic de la situation, puis proposer une stratégie de redressement.
Maîtrisant à la fois trois domaines clés – la finance, la stratégie et le management -, il rectifiera souvent certaines approches internes ou déséquilibres qui ont conduit l’entreprise dans la situation difficile où elle se trouve (crise de liquidité) et, pour reconstruire des perspectives de rentabilité nouvelle, il placera souvent l’innovation et la créativité au cœur du réacteur de l’entreprise. Il déterminera les compétences dont elle a besoin, préparera l’avenir. Il lui permettra de se transformer, de retrouver et d’accroître sa rentabilité au bénéfice bien compris des salariés comme des actionnaires.
Notre monde moderne est caractérisé par des ruptures, en particulier technologiques, qui soumettent les entreprises au besoin de faire émerger des capacités de transformation et d’évolution. Le manager de transition permet aux actionnaires des entreprises de mieux conduire les virages, comme celui de la digitalisation des métiers en interne, ou de la transformation des modes de vente avec toutes les conséquences que cela induit pour l’organisation des systèmes d’information, ou en matière de maîtrise stratégique du « supply chain management system ». Souvent, la capacité d’un manager de transition est de faire monter au niveau du Comex des sujets qui étaient jusqu’à présent traités comme des sujets techniques secondaires, je pense notamment à celui de la digitalisation ou à la stratégie globale tournée vers la « customer centricity » qui nécessite une culture interne nouvelle et un alignement de toutes les directions de l’entreprise.
Ainsi, le manager de transition va accompagner le recentrage sur le client, recentrage que l’entreprise n’a pas su opérer en temps et en heure. Ayant pris du retard en termes d’investissement et de productivité, elle a décroché sur son marché, voire en est sortie.
Le rôle du dirigeant de transformation est de lui permettre de repartir sur de bons rails, tout en prenant pleinement en compte les nouvelles opportunités créées par la digitalisation d’une part et par la prise en compte des 17 ODD (objectifs du développement durable) et les critères de RSE et d’investissements éco-responsables d’autre part.
De l’importance de la « Long life education »
Pour pouvoir accompagner avec efficacité les entreprises en proie à des difficultés humaines et/ou techniques, le manager de transition doit se tenir au fait des dernières avancées à la fois dans les domaines professionnels et technologiques. Il doit optimiser ses acquis et ses pratiques, non seulement par des expériences professionnelles variées, mais aussi par des formations tout au long de sa vie.
Dans la conduite du changement dans la transformation des entreprises, la « Long life education » s’impose. Ce principe est décisif alors que le monde se complexifie par l’accélération du temps, l’élargissement de tous les périmètres d’action, l’effet des changements d’organisation et des transformations numériques.
Le modèle des Mooc et des certifications ciblées sur des unités de compétence permet au manager de transition et aux salariés de l’entreprise qu’il dirige, de compléter en permanence leurs connaissances, avec un impact horaire réduit et une efficacité maximale, dans des domaines innovants (block chain, cryptomonnaie, fondamentaux de la stratégie ou de la finance d’entreprise, …). Dans notre monde où l’espérance de vie progresse, où la durée du travail tend à s’étirer dans le temps et où les changements technologiques vont grandissants, il n’est plus imaginable qu’une éducation parfaite s’arrête à 25 -30 ans ! Etudier, se former jusqu’à un âge avancé s’avère essentiel.
De surcroît, pour appréhender les savoirs et les comportements des nouvelles générations, et pour dialoguer avec elles, le middle management doit commencer par entretenir et enrichir ses propres connaissances professionnelles. Cela est encore plus vrai pour le Top management dont le savoir ne peut être décorrélé des évolutions les plus récentes et à venir. Autrement dit, tout dirigeant ne doit pas esquiver le sujet de la formation pour lui-même, au contraire, il doit s’octroyer un temps pour s’y adonner.
L’intérêt de la « Long life education » est qu’elle mêle en permanence des séquences de formation et de travail. Être soi-même enseignant-enseigné caractérise l’émergence d’un nouveau modèle de vie professionnelle qui garantira d’une part, l’employabilité des salariés, voire leur capacité à se lancer dans l’entreprenariat et d’autre part, pour l’entreprise, la présence de salariés agiles et au fait des meilleurs savoir-faire.
Dans sa boîte à outils de dirigeant opérationnel, le manager de transition veille toujours à regarder comment la formation interne est prise en compte dans l’entreprise et comment elle peut favoriser des évolutions de parcours soit de personnes amenées à la quitter, soit de personnes amenées à voir s’élargir leur périmètre d’action ou à accéder à de nouveaux postes. Le dispositif mis en place pour adapter en permanence les compétences des salariés se révèle ainsi déterminant, l’allocation des talents marquant la différence d’une entreprise à l’autre.
De nouveaux domaines sont ou seront très vite ouverts à ces formats MOOC si efficaces pour appréhender un nouveau domaine : j’imagine que sont ou seront créés des offres de formation portant sur le droit des entreprises en difficultés, les techniques financières de gestion de la liquidité pendant les crises, les stratégies de restructuration des financements et des capitaux propres, le comportement managérial et le leadership en situation de crise grave. Autant de sujets propres à développer et/ou renforcer des savoir-faire et des savoir-être professionnels si utiles en cette période particulière de crise-covid.
La « long life education » contribue également au développement d’une culture permanente de l’innovation qui, à l’échelle d’un pays comme la France, serait le garant de notre place dans le concert des nations pour les années à venir. Tout en conservant notre ancrage historique et notre capacité à valoriser nos atouts. Nul doute : la formation tout au long de sa vie permet l’acquisition de nouveaux savoirs au service des salariés, des entreprises et du pays.
Rudolph Hidalgo, Dirigeant de transformation (classé parmi les meilleurs « Chief Restructuring Officer » 2021 par le magazine Décideurs)
Certifié ICCF, ACCF, Strategy, AM, M§A | Diplômé “Trium Executive MBA (HEC Paris, NYU, LSE)” | Fondateur de « Tetraktys concept management » |Associé Amadeus Executives
*Le management de transition est concentré autour de quelques acteurs clés : grands cabinets, quelques groupements et des CRO indépendants. Une fédération, « France Transition », garantie les règles déontologiques de la profession (respect de la confidentialité, méthodologie d’intervention…).
Commentaires0
Vous n'avez pas les droits pour lire ou ajouter un commentaire.
Articles suggérés